L'armée des ombres

Joseph Kessel

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    3 novembre 2017

    L'armée des ombres

    Joseph Kessel écrit l'armée des ombres, considéré comme le roman-symbole de la Résistance, en 1943 depuis Londres. Dans sa préface, il précise : « Tout ce qu'on va lire ici a été vécu par des gens de France. Mon seul souhait est de ne pas avoir rendu avec trop d'infidélité leur image ».

    On pourrait qualifier ce texte de roman non-fictionnel ou d'oeuvre journalistique. A travers le personnage de Gerbier comme fil conducteur, Kessel livre des témoignages de ces hommes et de ces femmes de l'ombre qui ont refusé de se résigner. Pour ne pas mettre en danger les protagonistes, il brouille les pistes, modifie les lieux et les noms. A travers un petit groupe de Résistants, c'est toute la Résistance qui est ici magnifiée. L'écriture est sobre, authentique et sans fioritures, percutante et saisissante. On y découvre des hommes et des femmes, unis contre l'occupant nazi et contre la France vichyste, qui ont su mettre de côté leurs divergences passées. Qu'ils soient Gaullistes, communistes ou encore royalistes, ils combattent ensemble l'ennemi commun. La clandestinité a abattu les barrières sociales et les clivages politiques. Ces hommes ne sont pas des soldats, civils pour la plupart, ils vont devoir apprendre à se battre et à tuer : l'ennemi et le traître mais parfois aussi le camarade qui aura flanché sous la torture. Ce dernier n'en est pas moins valeureux pour autant mais simplement humain. Et les tortures sont insoutenables. Mais la sécurité du réseau est la priorité de tous, le collectif prime sur l'individuel, pour le bien de chacun de ses membres. Certains, par peur de "donner" leurs camarades, préfèrent se prémunir de cyanure. La Résistance, c'est aussi un mélange de confiance et de méfiance. Sans confiance, impossible de recruter ou de trouver des soutiens parmi la population, mais la méfiance est constante, omniprésente et indispensable. Malgré tout, ses membres et soutiens sont infiltrés partout. Il n'existe pas une administration, un commissariat où la Résistance n'a pas ses informateurs ; Vichy même n'est pas épargnée. Dans la Résistance, la nature de l'homme se révèle et peut apporter de belles, comme de mauvaises surprises. C'est là que réside toute la beauté de ce court mais grand texte qui est certainement la plus belle peinture de la Résistance, criante de vérité et de sincérité. Devoir de mémoire, ce roman amène le lecteur du XXIème siècle à ne pas oublier ces anonymes et invite à se poser la sempiternelle question «Qu'aurions-nous fait à leur place ? ».